Le caribou forestier est une des nombreuses espèces de ce monde à avoir gagner à la loterie des espèces menacées… ou perdu selon le bord qu’on voit la situation. Personnellement je le trouve chanceux parce qu’il est accompagné d’une ribambelle de scientifiques et de défenseurs de la Nature. C’est loin d’être le cas de toutes les espèces menacées.
Pour le caribou forestier, le peuple québécois est désormais face à un dilemme. Il ne sait plus quoi penser. Écouter les organismes de protection, qui disent que le caribou est sur le bord de l’extinction ? Écouter les scientifiques, qui donnent une myriade de solutions de conservation ? Écouter le Gouvernement, qui a peur d’avoir peur et qui dit que sauver le caribou va mettre à la rue plus de 2 000 familles québécoises ? Écouter les premières nations, qui ont un lien profond avec le caribou, si profond que nous ne pouvons pas le comprendre ?
Moi, madame tout le monde, citoyenne du monde en éveil, héritière des colonisateurs, mère de petits amoureux de la nature… comment je suis supposée de dealer avec tout ça ? J’écoute qui, pour arriver à baisser mon niveau d’éco-anxiété qui est déjà pas mal haut ? Je veux que ça marche pour vrai ou je me dis qu’après tout le caribou ce n’est qu’une espèce parmi tant d’autres ? Tsé, le 10% de perte acceptable. Oh puis si on cherche bien, je suis pas mal sûre qu’on peut trouver une espèce à protéger qui prend moins de place. Une qui nécessite moins de compromis.

Quand il n’y a pas de solution, c’est parce qu’il n’y a pas de problème. La(les) solution(s) pour le caribou, elle(s) existe(nt). Avec cet article, j’aimerais vous raconter une belle histoire. Une belle histoire qui devrait vous permettre de retrouver votre confiance. Une histoire qui va, je l’espère, vous montrer quel est le rôle de l’humain sur Terre et comment nous devrions tous agir pour le bien de tous, caribou compris. Voici l’histoire très inspirante du caribou de Klinse-Za en Colombie-Britannique.
Nous sommes en 2013, dans les montagnes du district régional de Peace River en Colombie Britannique, territoires ancestraux des communautés de Moberly Lake First Nation et Saulteau First Nation. La harde de caribous forestiers de Klinse-Za a atteint le seuil critique de 38 individus. Selon des anciens de la communauté, la harde était autrefois si répandue qu’on la nommait « la mer de caribous ». Qu’a-t-il bien pu se passer pour que ça aille si mal ? Sans nul doute, de près ou de loin, le caribou a subi les conséquences des activités d’exploitation des ressources naturelles : foresterie, pétrole, hydroélectricité et même des mines de charbon ! Misère… on a tu vraiment besoin de charbon aujourd’hui ??
Comme toutes les communautés autochtones qui ont ce lien avec le caribou forestier, ces deux communautés vivaient très mal avec l’idée que le caribou forestier allait probablement disparaître de leurs territoires ancestraux. Tous en témoignent : cet animal a pourvu à leurs besoins depuis la nuit des temps, ils se sont nourris de sa viande et se sont réchauffés avec sa peau. Le caribou est une part physiologique d’eux et eux sont une part physiologique du caribou. C’est un lien qui n’a pas de mot en langue occidentale. C’est un lien culturel, physique, traditionnel et spirituel. C’est leur identité.
Face à ce déclin alarmant, ils ont pris les choses en main et ont commencé à se battre contre les industriels. Ils sont à l’origine de la protection de 8 000 km2 de terres qui empêchent toute activité humaine incompatible avec la survie du caribou. À un moment c’est certain, le Gouvernement a nécessairement dû faire preuve de leadership en prenant la décision de retirer ces activités du secteur. Aujourd’hui, la harde compte une centaine d’individus et grâce à un réel combat acharné de tous les jours, les communautés locales ont espoir de pouvoir un jour reprendre la chasse au caribou.
Mais il n’y a pas que la protection du territoire qui témoigne de la réussite du projet. Dans leur alliance pour la survie du troupeau, les communautés ont aussi pris la décision de protéger les femelles et les faons en les mettant dans un enclos de maternité. Un enclos protégé par des clôtures électriques pour faire fuir les gros prédateurs. Un enclos surveillé par des gardiens humains. Un de ces gardiens a exprimé la profondeur de son lien avec les caribous, en décrivant comment son peuple a longtemps eu une relation spirituelle avec ces animaux. Il explique que pour les communautés comme la sienne, les caribous sont bien plus qu’une simple espèce à protéger : ils sont vus comme des êtres avec lesquels les humains partagent une destinée commune. Ce lien se manifeste dans les pratiques culturelles, comme les prières et les cérémonies, qui honorent les caribous et renforcent ce lien. Ainsi, ce gardien dit vouloir honorer une relation spirituelle qui a nourri leur culture pendant des générations.
Ce lien holistique entre les humains et les caribous a donc un impact profond, à la fois sur la manière dont les programmes de conservation sont menés et sur la motivation profonde des gardiens à protéger ces animaux. Ce que j’essaie de vous faire comprendre c’est que nous ne devrions pas avoir peur de nous sentir concernés et d’écouter ce que nos communautés ont à dire sur le sujet. Ce n’est pas une mauvaise chose d’assister le retour des caribous par des actions aussi interventionnistes que des mises en enclos et des réintroductions. Confions la garde des bêtes à des personnes qui s’y sentent profondément liées. Arrêtons d’avoir peur d’amortir des pertes économiques au même titre que nous investissons dans l’avenir économique du pays. Arrêtons de craindre la restauration et la protection de nos écosystèmes. Libérons-nous de notre quête de survie matérielle et n’ayons plus peur d’être des adultes responsables. L’être humain est résilient, même probablement le plus résilient de la planète.

On devrait être capables de s’en sortir avec des compromis.
Voici plusieurs lectures très intéressantes sur le sujet :
Land Remembers: Why Should We Bring Back Threatened Species? – Science World
Nikanese Wah tzee Stewardship Society – Canadian Museum of Nature
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